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DE LADY AUDLEY

ne put pas très-bien saisir les mots), puis il s’éloigna rapidement de la porte, sans laisser ni trace ni message pour la famille.

Il s’était écoulé une pleine heure et demie après cet incident lorsque lady Audley rentra à la maison ; elle ne venait pas de l’allée de tilleuls, mais d’une direction tout opposée, portant son livre ouvert dans la main et chantant en marchant. Alicia venait de descendre de sa jument et se tenait debout à l’entrée de la porte au cintre bas, avec son terre-neuve à côté d’elle.

Le chien, qui n’avait jamais eu de prédilection pour milady, montra ses dents avec un sourd grognement.

« Chassez cet horrible animal, Alicia, dit lady Audley avec impatience ; cette bête sait que j’ai peur d’elle, et elle fait exprès de m’effrayer. Et cependant on appelle ces créatures généreuses et bonnes !… À bas, César ! je vous déteste et vous me détestez ; et si vous me rencontriez la nuit dans quelque passage étroit, vous me sauteriez à la gorge pour m’étrangler, n’est-ce pas ? »

Milady, sûrement abritée derrière sa belle-fille, secoua ses boucles blondes devant l’animal inquiet et le défia malicieusement.

« Ne savez-vous pas, lady Audley, que M. Talboys, le jeune veuf, est venu ici demander sir Michaël et vous ? »

Lucy Audley souleva la ligne de ses sourcils.

« Je croyais qu’il devait venir dîner, dit-elle ; et, ma foi, ce sera bien assez de le voir alors. »

Elle avait une botte de fleurs sauvages d’automne dans le pan de sa robe de mousseline. Elle était venue à travers champs derrière le château, cueillant les boutons des haies sur son chemin. Elle monta légèrement en courant le large escalier qui conduisait à son appartement particulier. Le gant de George s’étalait sur la table de son boudoir. Lady Audley sonna violemment ; ce fut Phœbé Marks qui vint répondre.