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LE SECRET

ment après leur terrible lutte avec l’orage, qui avait fait de son mieux pour courber les lourds épis, accompagné par un vent impitoyable et une pluie battante pendant la moitié de la nuit. Les feuilles de vigne groupées autour de la croisée de Robert se balançaient avec un joyeux frémissement, faisant tomber en ondée de diamants les gouttes de pluie qui tremblaient sur chaque vrille et brindille.

Robert Audley trouva son ami qui l’attendait à table pour déjeuner.

George était très-pâle, mais parfaitement tranquille. S’il avait quelque chose, en vérité, c’était plus de gaieté qu’à l’ordinaire.

Il secoua la main de Robert avec quelque chose de cette ancienne cordialité qui l’avait fait distinguer avant que la seule affliction de sa vie l’eût bouleversé et brisé.

« Pardonnez-moi, Bob, dit-il franchement, pour mon humeur hargneuse d’hier soir, vous aviez raison ; l’orage, les éclairs et le tonnerre m’avaient bouleversé. Cela a toujours produit le même effet sur moi depuis ma jeunesse.

— Pauvre vieil enfant, partirons-nous de suite par l’express, ou resterons-nous ici pour dîner ce soir avec mon oncle ? demanda Robert.

— Pour dire la vérité, Bob, je préférerais ne faire ni l’un ni l’autre. Il fait une magnifique matinée, pourquoi ne pas nous promener aux environs tout le jour, faire un autre tour avec nos lignes, et partir pour Londres par le train de six heures vingt-cinq minutes du soir ? »

Robert Audley aurait consenti à une bien plus désagréable proposition que celle-ci, plutôt que de prendre la peine de contrarier son ami ; aussi la chose fut-elle immédiatement acceptée, et après qu’ils eurent fini leur déjeuner et commandé le dîner pour