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LE SECRET

courageux qui en ont eu peur. C’est à peine si l’on doit appeler cela de la crainte, cela tient au tempérament. Je suis sûr que vous avez peur.

— Non, vraiment

— Mais, George, si vous pouviez vous voir vous-même pâle et hagard, avec vos grands yeux creux fixés au ciel comme s’ils étaient retenus par un spectre. Je vous dis que je vois que vous êtes bien effrayé.

— Et moi je vous dis que je ne le suis pas.

— George, non-seulement vous avez peur des éclairs, mais vous êtes irrité contre vous-même de ce que vous avez peur, et contre moi parce que je vous parle de votre frayeur.

— Robert, si vous me dites un mot de plus, je tombe sur vous. »

Ce qu’ayant dit, M. Talboys s’élança hors de la chambre, fermant la porte derrière lui avec une violence qui ébranla la maison. Ces nuages d’encre qui recouvraient la terre oppressée comme un plafond de fer brûlant répandaient leur noirceur en un soudain déluge au moment où George quittait la chambre ; mais si le jeune homme avait peur des éclairs, il n’avait certainement pas peur de la pluie car il descendit l’escalier, marcha droit à la porte de l’auberge, et sortit sur la grand’route inondée. Il alla de long en large et de large en long au milieu de la pluie battante pendant vingt minutes, et rentrant alors dans l’auberge il monta à sa chambre à coucher.

Robert Audley le rencontra dans le corridor avec ses cheveux collés sur sa figure pâle et ses habits dégouttant l’humidité.

« Allez-vous vous coucher, George ?

— Oui.

— Mais vous n’avez pas de lumière.

— Je n’en ai pas besoin.