Page:Braddon - Le Secret de lady Audley t1.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
DE LADY AUDLEY

— Presque.

— Vous avez pris froid en restant dans cette humide chambre aux tapisseries. Retenez mes paroles, George Talboys, vous avez pris froid ; vous êtes aussi enroué qu’un corbeau. Mais venez-vous-en. »

Robert Audley prit la bougie des mains de son ami, et disparut en se glissant à travers le passage secret suivi par George qui était très-calme, mais difficilement plus calme que d’habitude.

Ils trouvèrent Alicia qui les attendait dans la chambre des enfants.

« Eh bien ? dit-elle interrogativement,

— Nous avons opéré supérieurement. Mais je n’aime pas le portrait ; il a quelque chose de singulier.

— En effet, dit Alicia ; j’ai une étrange idée à ce sujet. Je pense que quelquefois un peintre est en quelque sorte inspiré, et est capable de voir à travers l’expression normale de la figure une autre expression qui en fait également partie, quoique les yeux ordinaires ne l’aperçoivent pas. Nous n’avons jamais vu milady regarder comme elle le fait dans ce portrait, mais je crois qu’elle pourrait regarder ainsi.

— Alicia, dit Robert Audley d’un air suppliant, ne soyez pas allemande !

— Mais, Robert.

— Ne soyez pas allemande, Alicia, si vous m’aimez. La peinture est la peinture, et milady est milady. Voilà ma façon de voir les choses et je ne suis pas métaphysicien, ne me bouleversez pas. »

Il répéta cela plusieurs fois avec un air de terreur parfaitement sincère, et après avoir emprunté un parapluie au cas où ils seraient surpris par l’orage menaçant, il quitta le château emmenant avec lui le passif George Talboys. L’unique aiguille de la sotte horloge avait sauté sur neuf heures lorsqu’ils atteignirent l’arceau, mais avant de pouvoir passer sous son ombre