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DE LADY AUDLEY

vitres avec le même frisson lugubre qui agitait chaque feuille dans le jardin, présage de la tempête menaçante.

« Voilà les éternels chevaux blancs de notre ami, dit Robert, en s’arrêtant devant un Wouvermans. Nicolas Poussin — Salvator. — Ah ! hum ! maintenant au portrait. »

Il s’arrêta, une main sur la serge verte, et, s’adressant solennellement à son ami :

« George Talboys, dit-il, nous avons à nous deux une seule bougie, une lumière vraiment insuffisante pour regarder une peinture. Laissez-moi donc vous prier de vouloir bien permettre que nous la regardions l’un après l’autre ; s’il y a quelque chose de désagréable, c’est d’avoir une personne critiquant derrière vous et regardant par-dessus vos épaules, quand vous essayez de saisir l’effet d’un tableau. »

George se recula immédiatement. Il ne prenait pas plus d’intérêt au portrait de milady qu’à tous les autres ennuis de ce monde fatigant. Il se recula, et, posant son front contre le châssis des fenêtres, il regarda la nuit au dehors.

Lorsqu’il se retourna, il vit que Robert avait disposé le chevalet très-convenablement, et qu’il s’était assis lui-même devant, sur une chaise, dans le dessein de contempler la peinture à loisir.

Il se leva lorsque George se retourna.

« Et maintenant, à vous, Talboys, dit-il ; c’est une peinture extraordinaire. »

Il prit la place de George à la croisée, et George s’assit sur la chaise, devant le chevalet.

Certainement, le peintre devait avoir été un préraphaélite. Nul autre qu’un préraphaélite n’aurait peint, cheveu par cheveu, ces masses légères de boucles, avec chaque reflet d’or et chaque ombre de brun pâle. Nul autre qu’un préraphaélite n’aurait assez exagéré chaque qualité de cette délicate figure,