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LE SECRET

fortes odeurs de parfums en flacons dont les bouchons dorés n’avaient pas été replacés. Un bouquet de fleurs de serre se flétrissait sur un élégant bureau. Deux ou trois magnifiques robes étaient amoncelées sur le parquet, et les portes ouvertes d’une garde-robe laissaient voir les trésors qu’elle contenait. Bijoux, brosses à cheveux à dos d’ivoire, délicieuses porcelaines de Chine étaient disséminés çà et là dans l’appartement. George Talboys aperçut sa face barbue et sa longue figure décharnée réfléchie dans la psyché, et s’étonna de voir combien il semblait déplacé au milieu de ce luxe féminin.

Ils passèrent du cabinet de toilette au boudoir, et du boudoir dans l’antichambre, qui renfermait, comme l’avait dit Alicia, environ vingt remarquables peintures, en dehors du portrait de milady.

Le portrait de milady était posé sur un chevalet, recouvert d’une espèce de serge verte, dans le milieu de la chambre octogone. L’artiste avait eu la fantaisie de la représenter debout au milieu de cette même chambre, et de faire, pour fond du portrait, une fidèle reproduction des peintures des murs. J’ai bien peur que le jeune homme n’appartînt à l’école des préraphaélites, car il avait consacré un temps déraisonnable aux accessoires de ce tableau, aux boucles frisées de milady, et aux lourds plis de sa robe de velours cramoisi.

Les deux jeunes gens regardèrent d’abord les peintures des murs, gardant le portrait inachevé pour la bonne bouche.

Il faisait sombre alors ; la seule bougie apportée par Robert ne donnait qu’un brillant rayon de lumière, pendant que, faisant le tour, il la tenait devant les peintures, l’une après l’autre. La large croisée laissait apercevoir le ciel pâle, teinté des dernières froides vapeurs d’un sombre crépuscule. Le lierre frémissait contre les