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LA TRACE

et y dévorer mon propre cœur comme je l’ai fait pendant huit ans. »

Il y eut comme un brouillard humide derrière ses lunettes pendant qu’il prononçait ces paroles, ce qui fit que Gus proposa de prendre un verre de brandy avant le départ du train.

« Allons, Dick, mon vieil ami, vous êtes comme une femme ce soir, je vous assure ; il ne faut pas de cela, vous savez. J’aurai à vous présenter à quelques-uns de nos vieux camarades et à vous faire passer une joyeuse nuit avec eux, quand nous serons arrivés à Londres, ce qui sera probablement demain matin, si nous continuons à aller de ce train.

— Je vais vous dire ce qui en est, Gus, répondit le gentleman aux cheveux rouges. Quiconque n’a pas passé par les malheurs que j’ai eu à subir ne pourrait exprimer ce que je ressens ce soir. Je crois, Gus, que je finirai par devenir réellement fou, et que ma délivrance opérera ce que mon emprisonnement n’a pu accomplir, et me fera tourner la tête. Mais, je vous en prie, Gus, dites-moi, dites-moi la vérité ; quelqu’un de mes vieux camarades m’a-t-il jamais cru coupable ?

— Pas un, Dick, pas un seul ; et je sais que si l’un d’eux avait seulement eu l’air de manifester une telle idée, les autres l’eussent étranglé avant qu’il eût pu prononcer un mot. Une autre goutte de brandy, dit-il précipitamment, en lui fourrant le