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LA TRACE

« Vous ne désirez pas que le cercueil soit entièrement couvert ? dit tranquillement l’étranger.

— Oui… non… c’est que… dit le gentleman, de belle humeur, avec un certain embarras, c’est que… je… voyez-vous, il y a une sorte de profanation dans l’approche d’une main étrangère des restes de ceux que nous aimons.

— Alors, dit son interlocuteur, si nous faisions un tour sur le pont ? ce voisinage doit être vraiment pénible pour vous.

— Au contraire, répliqua le gentleman de belle humeur, vous me prendrez, je le crois bien, pour un singulier personnage, mais je préfère rester à côté de lui jusqu’au dernier moment ; le cercueil sera placé à fond de cale aussitôt que nous serons à bord du Washington, alors mon devoir sera accompli, et mon esprit sera tranquille. Vous venez à New-York avec nous ? demanda-t-il.

— J’aurai ce plaisir, répliqua l’étranger.

— Et votre ami, votre divertissant ami ? demanda-t-il en jetant un coup d’œil tout à fait arrogant sur le cache-nez bigarré et sur le teint de savon marbré du boxeur, qui chantait toujours sotto voce la mélodie ci-dessus mentionnée, ses bras croisés sur la barre d’appui de la banquette sur laquelle il était assis, et reposant son menton d’un air de mauvaise humeur sur les manches de son habit.