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LA TRACE

un échafaudage à Charing Cross, et des diligences entre Londres et Brighton ; quand on pouvait rencontrer des chanteurs ambulants à Beulah Spa, et qu’il n’y avait aucun M. Robson au Théâtre Olympique. Il vous regarde de tous ses yeux, le pauvre Tom, et est attentif à toutes vos paroles, du moins vous le croyez ! Ah ! ma chère dame, croyez-moi, il ne voit pas un seul trait de votre visage, et n’entend pas un mot de votre beau discours. C’est elle qu’il voit ; il la voit à l’extrémité d’un berceau de verdure, avec le soleil rayonnant à travers les feuilles sur ses boucles noires, et formant des dessins sur son innocente robe blanche ; il voit le petit coup d’œil coquet qu’elle lui lança en tournant la tête, tandis qu’il était dans une attitude qu’il reconnaît maintenant avoir ressemblé à celle d’un naufragé, au milieu des débris du banquet, des salades de homard, des pâtés de veau et de jambon, des bouteilles vides de champagne, des épluchures de fraises, des ombrelles, des chapeaux et des châles. Il entend le chant des oiseaux de l’Essex, le frémissement des feuilles de la forêt, son rire clair à elle, les roues d’une voiture, le tintement de la clochette des troupeaux, le retentissement du marteau d’un forgeron, et les chutes d’eau au loin ; tous ces bruits, suaves, rustiques, qui produisent une harmonie bien différente de celle des tons courroucés de votre voix, sont dans ses oreilles ; et vous, madame, vous,