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LA TRACE

— Pitié et pardon ! Ne parlez pas de cela ; il y a des choses que, même aujourd’hui, je ne me sens pas la force d’entendre, et celle-là en est une.

— L’histoire de votre fidèle Mujeebez est une histoire bien singulière, n’est-ce pas ? demanda le savant, abandonnant ses livres et s’approchant de la croisée.

— Très-singulière ! Son maître, un Anglais avec qui il vint de Calcutta, et à qui il était sincèrement attaché.

— Oh ! oui, je lui étais attaché, dit l’Indien en très-bon anglais, mais avec un accent étranger très-prononcé.

— Ce maître, un riche nabab, fut assassiné dans la maison de sa sœur par son propre neveu.

— Horrible et contre nature !… Le neveu fut-il pendu ?

— Non ; le jury rapporta un verdict de folie ; il fut envoyé dans une maison de fous où, sans doute, il est encore. Mujeebez n’était pas présent au procès, il avait échappé à la mort par miracle ; car le meurtrier, en entrant dans la petite chambre où il dormait, et en le trouvant en train de se lever, lui avait donné sur la tête un coup qui le mit pendant quelque temps dans un très-dangereux état.

— Et vîtes-vous la figure du meurtrier, Mujeebez ? demanda M. Blurosset.

— Non, sahib. Il faisait nuit, je ne pouvais rien