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DU SERPENT.

protestations d’innocence répétées par le prisonnier, il le croyait coupable. C’était un homme ardent, et cette croyance éteignait son ardeur ; c’était un homme consciencieux, et il sentait que défendre Richard Marwood était quelque chose qui ressemblait à une action déshonnête.

Le prisonnier plaida non coupable, et l’annonça d’une voix ferme. Chaque fois que nous lisons le procès d’un grand criminel, nous lisons ces mêmes détails sur sa voix ferme, sa contenance calme, sa figure composée et son maintien digne, et nous tombons dans l’étonnement. Ne serait-il pas plus étonnant qu’il n’en fût pas ainsi ? Si nous considérons le degré auquel sont montés les sentiments de cet homme, la tension de chaque nerf, l’application de toutes ses forces intellectuelles et physiques, pour affronter ces cinq ou six heures désespérées, nous ne serons plus étonnés désormais. La vie de cet homme est devenue un terrible drame, et il va jouer son grand rôle. Cette masse de figures pâles et attentives lui font subir une longue agonie, ou peut-être est-ce moins une agonie qu’un état d’exaltation. Il se peut que son intelligence soit heureusement obscurcie, et qu’il ne puisse voir au delà du terrible présent, dans le bien plus terrible avenir. La hideuse construction de bois et de fer ne se dresse pas comme un fantôme devant lui ; il n’aperçoit pas la corde pendante et lâche qui flotte dans l’atmosphère