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LA TRACE

observai. Deux ou trois gentilshommes vous parlaient, vous n’écoutiez aucun d’eux ; vous vous laissiez adresser la même question trois fois, et à la seconde interrogation vous aviez un tressaillement de surprise et faisiez un effort pour répondre. Vous étiez distraite. Or, comme je vous l’ai appris, mademoiselle, dans la science des mathématiques nous ne reconnaissons pas d’effet sans cause, il y avait donc chez vous une cause à cette distraction. Après quelques instants le rideau se leva, vous n’étiez plus distraite. Robert le Diable arriva sur la scène, vous étiez toute attention. Vous vous efforciez, mademoiselle, de ne pas paraître attentive, mais votre bouche, le trait le plus expressif de votre visage, vous trahissait. La cause alors de votre première distraction était Robert le Diable.

— Monsieur… par pitié, dit-elle d’un air suppliant.

— Ce fut la carte de mon jeu, numéro un. Mes chances étaient à la hausse. Quelques minutes après, je vous vis jeter votre bouquet sur la scène. Je vis aussi le billet. Vous aviez un secret, mademoiselle, et j’en tenais le fil. Mes cartes étaient bonnes. Le reste était l’affaire de la conduite du jeu. Je savais que je n’étais pas mauvais joueur, et je me mis à la partie avec la détermination d’en sortir vainqueur.

— Finissez le récit de vos infamies, monsieur, je vous en prie, cela devient réellement insupportable. »