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LA TRACE

d’une femme morte, morte à l’espérance, morte à l’amour, morte au passé, encore plus entièrement morte à l’avenir, qui, ne pouvant rien réparer, ne peut plus rien lui donner.

C’est ainsi que les courtes journées de février, qui sont si longues pour elle, s’éteignent pour faire place aux nuits d’hiver sans fin ; pour elle le matin n’a pas de lumière et les ténèbres ne finissent pas. Les consolations de cette sainte église sur lesquelles ses ancêtres des temps passés s’appuyaient comme sur un rocher d’une puissante et éternelle solidité, elle n’ose pas les demander. Le chapelain de son oncle, un vieillard aux cheveux blancs, qui l’a bercée enfant dans ses bras, et qui demeure au château, aimé et vénéré de tous, vient à elle tous les matins, et dans chaque visite essaye de nouveau de gagner sa confiance, mais en vain. Comment pourrait-elle épancher dans les oreilles de ce bon et compatissant vieillard les secrets de sa fatale histoire. Sûrement il la repousserait de son sein avec mépris, sûrement il lui dirait qu’il n’y a plus d’espoir pour elle, que même le ciel miséricordieux, toujours prêt à écouter les prières de tous les pécheurs, resterait sourd aux cris de désespoir d’une misérable aussi coupable qu’elle.

Ainsi, impénitente et désespérée, elle use le temps et attend la mort. Elle pense quelquefois à l’habile tentateur qui lui a aplani la voie du crime