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DU SERPENT.

c’est très-charmant, sans nul doute ; mais nous n’avons pas besoin que nos femmes et nos filles apprennent les moyens de nous empoisonner sans craindre la prison. Qu’en dites-vous, Rinval ? demande-t-il à un jeune officier qui vient d’entrer dans la loge. Pensez-vous que j’aie raison ?

— Complètement, mon cher marquis. La représentation d’un aussi odieux sujet est un crime contre la beauté et l’innocence, dit-il en s’inclinant du côté de Valérie ; et quoique la musique soit vraiment délicieuse…

— Oui, dit Valérie, mon oncle ne peut s’empêcher d’admirer la musique. Comment ont-ils chanté ce soir ?

— Mais, chose étrange, pour la première fois, de Lancy a désappointé ses admirateurs. Il est faible dans son rôle de Gennaro.

— Vraiment ! (Elle prend son bouquet dans la main et joue avec la fleur penchée d’une boule de neige.) Faible dans ce rôle ! vous me surprenez réellement. »

À la parfaite indifférence de son ton, on eût pu croire qu’elle parlait des fleurs qu’elle tenait.

« On dit qu’il est malade, continue M. Rinval ; il était presque abattu dans le Pescator ignobile ; mais le rideau se lève, nous aurons bientôt la scène du poison et vous pourrez juger par vous-même. »

Elle rit.