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LA TRACE

tion. Le feu de ses beaux yeux noirs est incontestablement magnifique, mais il n’a pas longtemps à briller. »

Comme la clarté du foyer tombe sur le verre, Gaston le tient entre ses yeux et la flamme.

« Le vin de votre oncle n’est pas très-clair, dit-il, mais je boirais le plus détestable vinaigre de la plus détestable taverne de Paris, si vous me le versiez de votre main, Valérie. »

Comme il vide le verre, la petite pendule sonne six heures.

« Je dois partir, Valérie. Je joue Gennaro dans Lucrèce Borgia, et le roi doit assister à la représentation ce soir. Vous viendrez ? Je ne saurais bien chanter si vous n’êtes là.

— Oui… oui… Gaston. »

Elle porte la main à sa tête en prononçant ces paroles.

« Êtes-vous indisposée ? demande-t-il d’un air inquiet.

— Non, non, ce n’est rien. Partez, Gaston, vous ne devez pas faire attendre Sa Majesté, » dit-elle.

Je me demande si, pendant qu’elle parle, ne se dresse pas dans son esprit l’image d’un monarque qui règne avec un pouvoir incontesté sur la vaste surface de la terre, dont le trône n’est jamais ébranlé par les révolutions, aux sentences duquel aucune créature n’a encore échappé, et auquel