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LA TRACE

— Silence ! dit-il, tressaillant et se levant précipitamment. N’avez-vous pas entendu quelque chose !

— Quoi ?

— Un bruissement à cette porte, la porte de votre cabinet de toilette. Finette n’est pas là ; y est-elle ? Je l’ai laissée dans l’antichambre au-dessous.

— Non, non, Gaston, il n’y a personne là ; c’est encore une de vos idées folles. »

Il jette un coup d’œil inquiet vers la porte, mais se rassied aux pieds de sa femme et examine son visage. Elle n’a pas les yeux fixés sur lui, mais sur le feu. Ses yeux noirs sont fixés sur la flamme et elle paraît presque ignorer la présence de son époux. Qu’aperçoit-elle dans la flamme rouge ? Le naufrage de son cœur ? la ruine de ses espérances ? le fantôme de son bonheur perdu ? l’image d’un long et sinistre avenir qui ne connaîtra plus cet amour sur les fondements duquel elle avait élevé pour les temps futurs une existence paisible et heureuse ? Qu’aperçoit-elle encore ? Un bras étendu comme un avertissement pour lui épargner un crime (qui, une fois commis, doit lui fermer toute sympathie terrestre, sans lui fermer peut-être le pardon du ciel), ou un doigt inflexible lui montrant le but terrible vers lequel elle court avec une résolution dans le cœur si étrange et si effroyable pour elle, qu’elle peut à peine croire qu’elle lui appartienne ou qu’elle soit elle-même ?