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LA TRACE

Le moribond tomba épuisé sur son oreiller. La jeune fille versa quelques gouttes d’un médicament et les lui donna, tandis que Jabez marchait vers la porte, s’arrêtait sur le seuil, et regardait le ciel.

Pour une nuit de juin, le ciel était très-sombre. Une vaste voûte noire était suspendue sur la terre, et pas la moindre lueur d’une étoile pour rompre cette noirceur d’encre. Une nuit pleine de menaces. Les sourds murmures d’un vent étouffant mugissaient et annonçaient l’arrivée d’un orage. Jamais l’obscurité de Peter l’aveugle n’avait été plus profonde que cette nuit. On pouvait à peine apercevoir sa main devant soi. Une malheureuse qui rapportait un demi-quart de gin du cabaret le plus voisin, quoique habitante de l’endroit et familiarisée avec les accidents du pavé et les décombres de briques, broncha sur son propre seuil et répandit le précieux liquide.

Il eût été difficile de voir dans le mois de juin le ciel et la terre sous un aspect plus lugubre. Ce n’était pas cependant ce que pensait M. Jabez North, car après avoir contemplé le ciel pendant quelques instants en silence, il s’écria :

« Une belle nuit ! une superbe nuit ! une nuit à souhait ! »

Une ombre qui se détachait plus sombre dans l’obscurité vint à lui. C’était le docteur.