Page:Braddon - La Trace du serpent, 1864, tome I.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
142
LA TRACE

n’aviez encore que trois semaines. Vous aviez bu un petit coup, mon chéri, et nous avions l’habitude d’en boire beaucoup alors, sans manger pour cela davantage, et l’une de nous vous laissa tomber dans le foyer, et avant que nous ayons pu vous retirer, votre bras était brûlé ; mais vous en revîntes, mon chéri, et, trois jours après, vous aviez le malheur de tomber dans l’eau.

— Vous m’y jetâtes, vieille diablesse, s’écria-t-il rudement.

— Allons, allons, dit-elle, vous êtes de la même souche, aussi ne me servirais-je pas de ces noms, si j’étais que vous. Peut-être vous jetai-je dans le Sloshy. Je ne veux pas vous contredire, et si vous le dites, je crois que je le fis. Je dois passer à vos yeux pour une vieille femme dénaturée.

— Cela ne serait pas bien extraordinaire.

— Nous avions à choisir, votre mère et moi, et à décider ce que nous ferions de notre plus jeune, car vous étiez plus jeune de deux heures que votre frère là-bas. Il y avait d’un côté la rivière, et de l’autre une vie de misère, de famine, et peut-être pire ; en mettant tout au mieux, une existence comme celle de celui qui est couché là-dedans, travail accablant et mauvaise nourriture, longues journées de fatigue et courtes nuits de repos, paroles dures et mauvais regards de tous ceux appelés à lui venir en aide. Aussi, pensâmes-nous que c’était assez d’un pour