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LA FEMME DU DOCTEUR

tressauta. Elle devint écarlate et joignit les mains, tandis que des larmes lui montaient lentement aux yeux.

— Je connais mon cousin mieux que vous ne pouvez le connaître. Il y a certaines femmes, madame, qui vous condamneraient sans vous entendre et qui regarderaient leurs lèvres comme souillées rien qu’en prononçant votre nom. Il y a beaucoup de femmes dans ma position qui se tiendraient à l’écart et vous abandonneraient à votre sort. Mais j’ai l’habitude de ne prendre en tout conseil que de moi-même. J’ai entendu M. Raymond parler très-favorablement de vous ; je ne saurais vous juger aussi sévèrement que le monde vous juge ; et je ne puis croire que vous soyez ce que vos voisins prétendent.

— Mon Dieu ! mais que disent-ils donc de moi ? — s’écria Isabel, agitée d’une crainte vague, une crainte ignorante de quelque péril mortel absolument nouveau pour elle et cependant imminent. — Quel crime ai-je commis qu’ils pensent mal de moi… que peuvent-ils dire… que peuvent-ils dire ?…

Ses yeux étaient obscurcis de larmes qui lui interceptaient la vue du sévère visage de Gwendoline. Elle était encore si enfant qu’elle ne fit aucun effort pour cacher sa terreur et sa confusion. Elle découvrit tous les puérils secrets de son cœur devant ces regards cruels.

— Le monde dit que vous êtes infidèle à un mari aimant et confiant, — répondit la fille de lord Ruysdale avec un calme impitoyable ; que vous lui êtes infidèle de pensée et d’intention, sinon de fait, depuis que vous avez rappelé mon cousin ici et que vous êtes toute prête à partir avec lui comme sa maîtresse dès qu’il lui plaira de dire : « Venez ! » Voilà