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LA FEMME DU DOCTEUR.

doline. — Je désire causer un instant avec vous. Je suis très-heureuse de vous avoir trouvée chez vous, et seule.

Elle parlait avec affabilité, mais sa douceur avait une froideur majestueuse qui se glissa comme de la glace fondante dans les veines d’Isabel et lui figea le sang.

— Je suis plus âgée que vous, madame, — dit Gwendoline après un silence et en hésitant un peu à faire cette confession : — je suis plus âgée que vous, et si je vous parle de telle sorte, que vous puissiez voir une indiscrète immixtion dans vos affaires, j’espère que vous voudrez bien croire que je ne cède qu’au désir de vous être utile.

Le cœur d’Isabel, en entendant ces paroles, s’enfonça plus profondément encore dans le gouffre de la terreur. Toute sa vie elle n’avait vu sortir que des choses déplaisantes de ce désir de lui être utile ; — sans parler des premiers temps où sa belle-mère lui avait administré de salutaires corrections, et des purgatifs, avec une intention non moins bonne pour ses progrès moraux et physiques. Elle regarda Gwendoline avec frayeur et vit que le beau visage saxon de sa visiteuse était presque aussi pâle que le sien.

— Je suis plus âgée que vous, madame… — répéta Gwendoline, — et je connais mon cousin Roland beaucoup mieux qu’il n’est possible que vous le connaissiez.

À ce nom chéri, à ce nom sacré, qui dans l’idée d’Isabel n’aurait dû être prononcé qu’à voix basse et mesurée, comme un tendre passage marqué pianissimo en musique, le trop sensible cœur de la folle enfant