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LA FEMME DU DOCTEUR.

mains aussi viles. Comment ces gens pouvaient-ils lire dans son cœur ou comprendre son amour pour Roland ? Vraisemblablement, la majestueuse dame des bords du Rhin, priant dans son couvent, avait été calomniée et déchirée par de vulgaires mendiants, qui, passant sur la route inférieure, avaient vu le chevalier-ermite assis à la porte de sa retraite et contemplant avec tendresse la prison où était enfermé son amour perdu.

Telles étaient les pensées qui s’élevaient dans l’esprit d’Isabel et elle se sentit très-colère et très-indignée de l’audace de l’excellente femme qui s’était permis de lui faire de la morale. Elle repoussa les pâtisseries et s’approcha de la fenêtre, inquiète et irritée. Mais le trouble disparut en un instant quand elle aperçut une dame dans sa voiture qui s’approchait lentement de la porte, — une dame couverte de fourrures brunes, coiffée d’un chapeau de velours violet orné de plumes tombantes, et qui examinait la maison comme si elle eût été incertaine de son identité. La dame était la fille de lord Ruysdale et la voiture était un petit panier-à-salade fort bas, attelé d’un vigoureux poney bai, et sur le siège de derrière duquel était un groom vêtu d’une livrée bleu foncé fort élégante. Mais quand bien même ce simple équipage eût été le char féerique de la reine Mab en personne, Mme Gilbert n’aurait pas paru plus abattue et plus stupéfaite. Le domestique, sur un ordre de sa maîtresse, descendit de son siège et sonna à la porte du médecin, puis Gwendoline ayant aperçu Isabel à la fenêtre et l’ayant saluée d’une hautaine inclinaison de tête, abandonna les rênes à son groom et mit pied à terre.

Pendant ce temps, Mathilda avait ouvert la porte.