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LA FEMME DU DOCTEUR

livres, car tu me sembles consacrer toutes tes journées à la lecture.

Elle partit donc une certaine après-midi d’hiver et se rendit seule, à pied, au château. La vieille femme de charge la reçut très-cordialement.

— Je vous ai attendue tous les jours, madame, depuis le départ de M. Lansdell, s’écria la digne femme, car il nous a dit que vous aimiez beaucoup les livres et que vous pouviez prendre tous ceux qui vous plairaient. John est chargé de vous les porter, madame, et je dois me mettre entièrement à vos ordres. Mais je commençais à croire que vous ne viendriez jamais, madame.

Il y avait du feu dans la plupart des pièces, car les domestiques de Lansdell avaient une sainte terreur de cette fatale végétation bleuâtre dont l’humidité revêt la surface d’un tableau. Les flammes des foyers brillaient sur les cadres dorés, scintillaient çà et là dans les profondeurs roses d’un verre de Bohême, et étincelaient en éclairs bizarres sur des vases de porcelaine précieuse ou sur des groupes de marbre d’un blanc immaculé. Mais, malgré cela, les appartements avaient un aspect désolé, en dépit de la chaleur, de la lumière, et de l’éclat.

Mme Warman, la femme de charge, donna à Isabel des nouvelles de Lansdell. Lady Gwendoline Pomphrey avait daigné dire à Mme Warman qu’il était à Milan ; quelque part en Italie, croyait la femme de charge ; il devait passer le reste de l’hiver à Rome, et de là il irait à Constantinople, puis Dieu savait où ! car jamais on n’avait vu pareil voyageur ni qui parût aussi infatigable.

— N’est-ce pas un malheur qu’il n’épouse pas sa