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LA FEMME DU DOCTEUR

terminé à ne pas faire. Sigismund se consacrait exclusivement à la société de la jeune femme. Jeffson laissait les herbes envahir les planches de pommes de terre pour planter des rosiers, attacher de charmantes plantes grimpantes, bêcher, améliorer, et transplanter cette partie du jardin qui prétendait être consacrée aux plantes d’agrément. Était-ce parce qu’il désirait occuper l’esprit de Mme Gilbert et la forcer à prendre quelque exercice ? Il ne taillait pas un arbuste, il n’élaguait pas une bordure sans prendre l’avis de la femme du médecin, et il priait Isabel de venir au jardin une demi-douzaine de fois par heure.

Puis pendant son séjour, Sigismund voulut à toute force emmener Mme Gilbert dîner à Warncliffe avec sa mère et ses sœurs. La famille de Smith se mit en frais pour cette occasion : il y avait une oie pour le dîner, volatile vulgaire et savoureux ; une énorme tarte aux prunes et des pommes et des poires dans des assiettes vertes en forme de feuilles, pour le dessert. Isabel ne put empêcher ses pensées de se reporter de cette table d’acajou vulgaire couverte de son tapis écarlate et sur laquelle étaient posés des verres à pied bleu foncé, à la table ovale de Mordred, et à la splendeur artistique des cristaux, des fruits et des fleurs.

La famille Smith ne vit dans Mme Gilbert qu’une jeune femme placide et insignifiante ; mais heureusement que Sigismund avait beaucoup de choses à dire de ses propres projets passés, présents et à venir ; Isabel put donc s’asseoir sans être dérangée dans la pénombre, écoutant d’une oreille distraite les bruits des pas dans la bonne vieille rue ; — l’appel du facteur à toutes les portes s’éteindre peu à peu dans l’éloignement, —