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LA FEMME DU DOCTEUR

crime, du moins par la difficulté de se jeter dans l’eau.

— Je n’ai même pas la liberté de mourir ! — pensa la femme du médecin en entendant le bruit régulier des pas pesants de son mari dans le chemin, et en songeant qu’il allait rentrer, que les portes seraient closes, et que les chances de mort par immersion étaient perdues, pour cette nuit au moins.

Il y avait du laudanum dans le laboratoire ; Mme Gilbert savait où se plaçait la bouteille qui le renfermait. Mais elle en avait goûté une ou deux fois pour des maux de dents, et elle avait trouvé cette préparation nauséabonde. Et puis la mort par le poison était un dénoûment prosaïque comparé à l’eau dormante et aux herbes aquatiques, et produirait un effet bien plus modeste dans les journaux.

Les deux jeunes gens rentrèrent exhalant une violente odeur de poussière et de fumée de tabac. Ils trouvèrent Isabel couchée sur le canapé, le visage tourné vers le mur. Avait-elle encore mal à la tête ? Oui, plus que jamais.

George s’assit et lut son journal hebdomadaire. Il avait un faible pour les journaux hebdomadaires ; il lisait tous les accidents et la chronique des tribunaux de police et des cours d’assises, ainsi que les lettres indignées des citoyens libéraux qui signent Aristide, Diogène, Junius Brutus, et protestent énergiquement contre les iniquités d’une aristocratie hautaine. Pendant que le médecin pliait le journal et en coupait les feuilles, il parla à Isabel du chèque de Lansdell.

— Il m’a envoyé vingt-cinq livres, — dit-il ; — c’est très-généreux ; mais, naturellement, je ne puis penser à accepter une pareille somme. J’ai visité nombre de fois ses fermiers, car le mois dernier il y a eu de nom-