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LA FEMME DU DOCTEUR.

Cette voix lente et pénétrante arriva jusqu’à Raymond, qui baissa la tête et se mit à sangloter. Indécise, comme le souvenir d’un rêve, lui revint la mémoire du jour où il s’était assis sous les frais ombrages de Hurstonleigh, tenant à la main les poèmes du jeune homme, et où il s’était laissé aller à penser à ce qui pourrait arriver si Roland revenait en Angleterre pour voir Isabel dans sa beauté enfantine. Et Roland était revenu et l’avait vue, mais trop tard ; et maintenant qu’elle était libre encore une fois, — libre d’être aimée et choisie, — il était de nouveau trop tard. Peut-être Raymond paraîtra-t-il fou et sentimental de pleurer sur le naufrage du roman d’amour de ce jeune homme ; mais c’est qu’il avait aimé la mère de ce jeune homme et qu’il l’avait aimée… sans espoir !

— Gwendoline m’a promis d’être votre amie, Isabel, — continua Roland ; — cette idée me rend très-heureux. Oh ! ma bien-aimée, si je pouvais vous dire les pensées qui me vinrent pendant que j’étais couché sur le sol, au milieu du parfum des feuilles et des fleurs et sous les rayons des étoiles qui scintillaient au-dessus des arbres aux pieds desquels je gisais ! Qu’y a-t-il d’impossible dans un univers qui renferme ces étoiles ? Il me semblait que je ne les avais jamais vues avant ce moment. Il m’était devenu si difficile de croire. Je pense que tous les ignes fatui du monde devaient briller et danser devant mes yeux pour que je n’eusse pas aperçu ces indescriptibles lumières, qui sont suspendues sur nos têtes. Elles se sont évanouies tout d’un coup ces impures exhalaisons marécageuses comme les lumières dans un théâtre quand la toile tombe. Je suis changé, Isabel ; mais ma conversion n’est pas l’œuvre des livres et des sermons. Lorsque