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LA FEMME DU DOCTEUR.

une scène à demi oubliée d’un de ses livres qui surgissait à son esprit.

En ce qui touchait la nature de l’accident arrivé à Lansdell, pas le moindre soupçon de la vérité ne lui vint à l’esprit. Elle croyait aveuglément qu’elle avait elle-même empêché toute chance de rencontre entre son père et l’ennemi de celui-ci. N’avait-elle pas vu Sleaford pour la dernière fois dans le Ravin de Nessborough, qu’il devait quitter pour prendre un train au point du jour à la station de Wareham ? et quelle raison aurait pu conduire Roland dans ce site désert au milieu duquel se cachait une petite auberge rustique, — asile fréquenté par les moissonneurs et les marchands ambulants ?

Elle ne soupçonna pas un instant la vérité. Les médecins qui soignaient Roland savaient que les blessures dont il mourait ne provenaient en aucune façon d’une chute de cheval ; et ils le dirent à Raymond qui fut plongé dans une désolation indicible à cette nouvelle. Mais ni lui ni les médecins ne purent obtenir le moindre aveu du malade, bien que Raymond l’eût supplié de lui révéler la vérité.

— Guérissez-moi, si vous pouvez, — dit-il ; — rien de ce que je vous dirais ne peut vous aider à obtenir ce résultat. Si je juge à propos de garder secrète la cause de ma mort, c’est une fantaisie de mourant et, à ce titre, elle doit être respectée. Aucune créature vivante ici-bas, un homme excepté, ne saura jamais comment j’ai reçu ces blessures. Mais j’espère, messieurs, que vous serez assez discrets pour épargner à mes amis une peine inutile. Les bavards sont à l’œuvre déjà, j’imagine, se demandant ce qu’est devenu le cheval qui m’a désarçonné. Par pitié, faites le pos-