Page:Braddon - La Femme du docteur, 1870, tome II.djvu/266

Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
LA FEMME DU DOCTEUR.

— Vous êtes bien bon d’être venu, — s’écria Isabel en l’interrompant. — J’avais besoin de vous voir ou quelqu’un qui vous ressemblât ; car tout me fait peur. Je n’avais jamais pensé qu’il pouvait mourir.

Elle se mit à pleurer, d’un air fort désolé, non pas comme une personne souffrant de quelque chagrin amer, mais plutôt comme un enfant qui se trouve dans un lieu inconnu et qui a peur.

— Pauvre enfant !… pauvre enfant !…

Raymond tenait encore la main inerte d’Isabel, qui put sentir des larmes tomber dessus ; les larmes d’un homme qui était le dernier à s’abandonner à une faiblesse sentimentale. Mais à ce moment elle ne devinait pas qu’il devait avoir quelque chagrin particulier, — quelque chagrin qui le touchait de plus près que la mort de Gilbert. En ce moment l’état de ses sentiments était particulièrement égoïste peut-être ; car elle ne pouvait ni comprendre ni imaginer quelque chose en dehors de cette maison assombrie, où la mort régnait souverainement. Le coup avait été trop terrible et trop récent. C’était comme s’il y avait eu un tremblement de terre et que l’atmosphère environnante eût été obscurcie par des nuages de poussière aveuglante produits par le cataclysme. Elle sentait les larmes de Raymond tomber lentement sur sa main ; et si elles éveillaient une pensée en elle, elle n’y voyait que l’évidence de sa sympathie pour ses chagrins et ses frayeurs d’enfant.

— Je l’aimais comme mon propre fils, — murmurait Raymond d’une voix attendrie et sourde. — S’il n’avait pas été ce qu’il était, — s’il eût été indigne de ses pères, — je crois que je l’eusse aimé aussi tendrement et aussi sincèrement, pour l’amour d’elle. Son