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LA FEMME DU DOCTEUR

lui avait dit qu’il quitterait le Midland par le train de sept heures du matin qui partait de Wareham. Il serait très-content de se retrouver à Londres, disait-il, et de quitter un endroit où il était comme un renard dans un trou. L’élément sentimental n’était en aucune façon puissamment développé chez Jack le Scribe, pour lequel les trottoirs encombrés de Fleet Street et du Strand étaient infiniment plus agréables que les églantiers et les fougères du Midland.

Depuis la soirée pendant laquelle Sleaford s’était présenté à la porte du médecin, Isabel reposa tranquillement pour la première fois. Elle dormit paisiblement, épuisée par la fatigue et l’anxiété de la quinzaine qui venait de s’écouler ; et aucun mauvais rêve ne vint troubler son sommeil. Les influences surnaturelles doivent ne pas avoir grande valeur, après tout, car l’esprit de la dormeuse n’eut aucune perception de ce corps immobile couché au milieu des hautes herbes ; pas le moindre pressentiment, si léger qu’il fût, de la scène qui avait eu lieu sous les rayons placides de la lune, tandis qu’elle se hâtait de regagner sa maison à travers les chemins humides de rosée ; heureuse à l’idée qu’elle avait accompli sa tâche difficile. Une seule fois dans le cours d’un siècle, la vision de Maria Martin hante un dormeur inquiet ; juste assez souvent pour ébranler la muraille de sens commun que nous avons si rigidement érigée entre le visible et l’invisible, et pour nous montrer qu’il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre que notre pauvre philosophie n’est disposée à en reconnaître.

Le lendemain de l’entrevue dans le Ravin, ce sentiment de soulagement occupait encore l’esprit d’Isabel. Son père était parti et tout allait bien. Il ne revien-