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LA FEMME DU DOCTEUR.

priétaires de l’habitation étaient depuis longtemps livrés au sommeil laissant Sleaford s’ébattre à son aise dans la maison. Ils s’étaient familiarisés avec leur locataire et ils avaient une confiance absolue dans ce joyeux gaillard accoutumé à la vie maritime, car ces paysans du Midland n’avaient pas assez de finesse pour s’apercevoir des fautes que commettait Sleaford en assumant le rôle de capitaine de la marine marchande.

Il pénétra dans la chambre où brûlait la lumière. C’était celle qu’il avait occupé pendant son séjour à l’auberge. Il s’assit à la table, sur laquelle il y avait une plume, de l’encre et du papier, et griffonna quelques lignes dans lesquelles il disait qu’il était obligé de partir subitement cette nuit même pour Liverpool, et qu’il laissait deux souverains pour acquitter sa note, qu’il supposait devoir s’élever à peu près à cette somme. Il enveloppa l’argent dans la lettre qu’il scella d’un large cachet de cire rouge, mit dessus l’adresse du propriétaire, et la plaça en évidence sur un angle de la cheminée, Puis il se déchaussa et monta doucement, sa chandelle à la main, l’escalier en tire-bouchon qui gémissait lorsqu’on le montait. Dix minutes après, il redescendit tenant une petite valise qu’il jeta sur son épaule au moyen d’une courroie ; puis il prit sa canne plombée et se prépara à s’éloigner.

Mais avant de quitter la chambre, il se pencha sur la table et examina à la lueur de la chandelle le gros bout de cette canne. Il était taché de sang coagulé auquel adhérait une petite touffe de cheveux noirs, qu’il brûla à la flamme de la chandelle. Il regarda son gilet et s’aperçut qu’il y avait des taches de sang dessus ainsi que sur sa chemise.