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LA FEMME DU DOCTEUR

d’une mise de mauvais ton, d’aspect peu avenant, dans le Ravin de Nessborough. J’avais dîné à Graybridge chez Hardwick le jurisconsulte et je revenais chez moi passant par Briargate et la route de Hurstonleigh, au lieu de prendre par Waverly. J’avais entendu parler à Graybridge du scandale qui se faisait autour de Mme Gilbert ; on associait son nom avec celui d’un individu logé aux Armes de Leicester, dans le Ravin de Nessborough, qui lui avait écrit, et qui lui donnait des rendez-vous nocturnes. Dieu seul sait comment ces gens de province apprennent tout, mais tout finit toujours par se découvrir. Je pris la défense d’Isabel, — je sais que ses facultés sont bonnes, bien qu’elles n’aient pas tout l’équilibre désirable, — je pris la défense d’Isabel dans une longue discussion avec la femme de l’avocat ; mais en passant par le chemin de Briargate, je rencontrai Mme Gilbert donnant le bras à un individu répondant à la description qu’on m’en a faite à Graybridge.

— Et quand cela ?

— Pendant la soirée d’avant-hier. Il devait être entre dix et onze heures, car la lune était à son plein, et je vis le visage d’Isabel aussi bien que je vois le vôtre.

— Et vous reconnut-elle ?

— Oui ; elle détourna la tête brusquement de la route, et s’enfonça dans un espace plein d’herbes qui s’étend entre la route et les haies qui bordent celle-ci.

Pendant quelques secondes après ces paroles il régna un silence mortel, et Raymond vit que le jeune homme qui se tenait debout devant lui dans le demi-jour, immobile comme une statue, était pâle comme la mort. Puis après ce silence, qui sembla éternel, Roland cher-