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LA FEMME DU DOCTEUR

nées tant d’ordres d’élargissement, venait à couper le nœud qui enchaînait Isabel.

— Dieu sait que je ne suis pas assez vil pour désirer le moindre mal à ce pauvre diable de Graybridge, — pensait Lansdell, — mais si…

Et alors la main du tentateur écartait un sombre rideau, et montrait l’image délicieuse d’une existence qui pourrait se réaliser si George voulait bien être assez obligeant pour succomber sous cette malheureuse fièvre qui avait fait tant de victimes dans les ruelles de Graybridge. Roland n’était pas un héros ; ce n’était rien qu’un jeune homme très-imparfait et très-indécis, dont les nobles instincts luttaient sans cesse contre les exigences honteuses de son esprit ; un enfant gâté de la fortune qui avait presque toujours agi à sa guise jusqu’à ce moment.

— Je devrais m’en aller, — pensait-il ; — je devrais m’éloigner d’autant plus que cet homme est malade. Il y a en apparence quelque chose d’horrible à rester ici à attendre le résultat, lorsque la mort de George me donnerait un trésor si inestimable.

Mais il restait, néanmoins. Un homme peut très-bien apprécier l’énormité de son péché et cependant continuer à mal faire. Lansdell ne quitta pas Mordred ; il se contenta d’envoyer au médecin un panier des plus beaux raisins des serres du château et deux des plus gros ananas ; et peut-être sa conscience trouva-t-elle un léger soulagement après l’exécution de cette courtoisie.

Lord Ruysdale vint voir son neveu dans le courant de la belle matinée qui suivit la visite d’Isabel au château, et comme le jeune homme fumait son cigare devant le portail au moment où la voiture du