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LA FEMME DU DOCTEUR.

de Waverly. Il devinait instinctivement que la fille de Lord Ruysdale ne goûterait pas ce divertissement champêtre.

— Ce pauvre Smith ne lui plairait pas, je pense, — se disait Roland. — Elle ne trouverait pas convenables ses vêtements de chasse et ses phrases entrelardées d’argot et ses bavardages incessants sur les romans en trois volumes et les journaux à un sou. Non, cela ne serait pas convenable d’inviter Gwendoline ; je suis sûr que Smith ne lui plairait pas.

Voilà ce que dit ou ce que pensa Lansdell maintes fois avant le jour de la fête ; mais il n’est pas impossible qu’il eût dans l’esprit un vague soupçon que Gwendoline trouverait étrange la présence d’une autre personne que Smith dans la petite réunion qui avait été projetée sous le chêne de lord Thurston. Peut-être Roland, qui haïssait l’hypocrisie comme il arrive à des hommes qui ne sont nullement sans péchés de détester les vices bas et rampants de l’humanité, était-il devenu tout à coup hypocrite et cherchait-il à se tromper lui-même ; ou bien la faible saillie de son menton et l’exiguïté de certaines parties de son crâne étaient-elles les signes extérieurs et visibles d’une nature faible et vacillante pour laquelle ce qui était vrai un instant était faux une minute après ; de telle sorte que, de ce changement perpétuel de pensée et de dessein, il résultait une confusion dans l’esprit du jeune homme, pareille au murmure d’innombrables ruisseaux courant vers un fleuve immense, dont le courant puissant entraîne le nageur sans vigueur vers l’Océan qu’il voulait éviter.

— Cette fête champêtre sera très-agréable pour le jeune Smith, — pensait Lansdell, — et les enfants