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LA FEMME DU DOCTEUR

heureux du plaisir de sa femme. Il voyait bien qu’elle prenait plaisir au sourire qui était sur ses lèvres, bien qu’elle ne parlât que très-peu.

La promenade entre Warncliffe et le bois de Hurstonleigh fut aussi belle que celle de Graybridge à Warncliffe, car cette partie du Midland n’est qu’un parc immense. Isabel était couchée dans la voiture et pensait au profil aristocratique de Gwendoline et à son chapeau, et elle se demandait si elle était cette femme de cœur que Lansdell devrait épouser. Ils feraient un fort joli couple. Mme Gilbert se les représentait montés sur des chevaux arabes, — pour Isabel, tous les gens bien nés devaient monter des chevaux arabes, — et parcourant Rotten Row. Elle voyait Gwendoline coiffée d’un chapeau d’amazone orné d’une longue plume flottante et Lansdell courbé sur le cou de son cheval pour lui parler pendant qu’ils chevauchaient côte à côte. Elle les apercevait dans ce salon étincelant, mise en scène toujours prête à orner le théâtre de son imagination. Ils étaient entourés de cette foule de parasites et de courtisans qui suit toujours les pas des héros et des héroïnes. Enfin elle les voyait mourant après une existence de banquets, de cavalcades, de bals, et de prix gagnés à Ascott. Quelle heureuse existence ! quelle glorieuse destinée !…

Le repas champêtre parut bien modeste après les rêveries de la voiture. Les orphelines attendaient leur oncle à la porte du parc, et la petite troupe partit à travers la pelouse comme la première fois pour atteindre la petite grille dont Raymond avait la clef, et de là le taillis, où les chênes et les ormes magnifiques jetaient une ombre épaisse et salutaire.