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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

regard amical de ses yeux, la veille du jour où il mourut. Il a été empoisonné par Sheldon.

— Il faut que vous soyez fou ! » murmura Valentin d’une voix défaillante.

Pendant un moment d’étonnement et d’incrédulité, il pensa que cet homme devait être fou pour formuler une accusation qui semblait si dénuée de probabilité. Mais l’instant d’après le voile se déchira, et il comprit que Sheldon était un scélérat, il sentit en lui-même qu’il ne lui avait jamais inspiré une entière confiance.

« Jamais, jusqu’à ce jour, je n’avais révélé ce sepret, dit le médecin, pas même à ma femme.

— Je vous remercie, dit Valentin, encore sous le coup de la stupeur, de tout mon cœur, je vous remercie. »

Le voile était déchiré… Cette mystérieuse maladie, ce lent et graduel dépérissement de la beauté dans sa fleur sous l’influence de l’acte diabolique des empoisonneurs du moyen âge, ou des sorcières vouées au culte d’Hécate, était un assassinat… Un assassinat !… La maladie sans nom jusque-là en avait un maintenant… L’anxiété de Sheldon, le choix fait d’un médecin incapable, certains regards, certaines intonations de voix qui l’avaient intrigué naguère, lui revenaient avec une étrange netteté, avec toute leur signification cachée, aussi claire que la clarté du jour.

Mais le motif ?

Quel motif secret pouvait le pousser à détruire cette innocente existence dans sa fleur ?

Une fortune était en jeu, cela est vrai ; mais cette fortune, autant que Valentin pouvait comprendre les affaires, dépendait de l’existence de Charlotte. Jamais ses pensées n’avaient été plus loin. Quand il avait