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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

de tant de gens, il se sentait dans l’impuissance de le faire. Sur la route qu’il avait parcourue jusqu’alors sans que rien l’eût retardé ou lui eût fait obstacle, s’était élevée tout à coup une insurmontable barrière avec cette fatale inscription : — On ne passe pas.

Cette barrière il ne pouvait la franchir.

Aussi soudain que l’arrêt terrible qui avait frappé la femme de Loth était l’ordre qui l’avait arrêté dans sa marche.

Il était condamné à l’inaction et il n’avait rien à faire qu’à attendre l’arrêt de la destinée.

Il se tenait debout sans se laisser abattre, en face de Némésis, attendant avec calme que le voile se levât.

Il espérait que Charlotte mourrait. Si par sa mort il pouvait se tirer d’embarras et guider sa barque dans des eaux plus calmes, peu lui importait que le docteur Jedd, et le docteur Doddleson, éclairé par son confrère, que Valentin, Diana, et la vieille Nancy gardassent toute leur vie dans leur esprit le soupçon que c’était par son fait que cette belle jeune fille avait trouvé une mort prématurée.

Quelle conséquence cela pouvait-il avoir sur son existence future ?

Des raisons de prudence forceraient ces gens à garder le secret au fond de leurs cœurs. Le docteur le saluerait un peu froidement peut-être quand ils se rencontreraient dans les rues de Londres, ou peut-être encore passerait-il son chemin sans le saluer du tout ; mais cette impolitesse directe du docteur Jedd ne pouvait jeter une ombre sur sa carrière commerciale ou affaiblir sa position sociale.

Si par suite de quelque folie de Haukehurst quelques mauvais bruits parvenaient jusque dans la Cité, qui pour-