Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome II.djvu/109

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Mais son motif ?… Au nom du ciel, quel motif peut-il avoir de s’en prendre à cette innocente fille ? Il a connaissance de la succession Haygarth et il doit espérer profiter de cette fortune, si elle vit pour la recueillir.

— Et pour s’assurer la fortune entière si elle meurt. Sa mort rendrait sa mère seule héritière de cette fortune, et cette femme n’est qu’un pur instrument entre ses mains. Il peut même avoir amené Charlotte à faire un testament en sa faveur, de manière à chausser directement les souliers de la morte.

— Elle n’aurait pas fait un testament sans me le dire ?

— C’est ce que vous ne savez pas. Mon frère Philippe peut tout faire. Il lui a été aussi aisé de lui persuader de garder le secret vis-à-vis de vous que de l’induire à faire le testament. Croyez-vous qu’il hésite à multiplier les hypocrisies, les mensonges, et les faux… Pouvez-vous supposer que de pareilles misères arrêtent un homme décidé à commettre un assassinat ? Mais voyez Macbeth. Au commencement, Macbeth est un homme respectable, un homme auquel on peut se fier, voulant faire son chemin dans la vie, voilà tout. Mais il n’a pas plutôt mis fin à l’existence du pauvre vieux Duncan, qu’il frappe à droite, à gauche, Banquo, Fleance, et tous ceux qu’il rencontre sur sa route. C’est heureux que son horrible femme s’en soit aperçue, car il aurait eu bientôt mis un terme à ses accès de somnambulisme. Le tigre est assez bon diable tant qu’il n’a pas senti le goût du sang humain ; mais quand il y a goûté, que le Seigneur protège la contrée de ce mangeur d’hommes !

— Pour l’amour du ciel, ne perdons pas le temps en discours frivoles, s’écria Valentin, je dois retrouver