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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

George était chez lui. Dans sa bataille contre le temps, Haukehurst avait les chances en sa faveur.

« Bénédiction du ciel ! s’écria George en levant la tête et en apercevant sur le seuil de son cabinet Valentin pâle et hors d’haleine. À quoi dois-je l’honneur inaccoutumé d’une visite de M. Haukehurst ? Je croyais que le jeune littérateur à la mode avait rompu avec ses anciennes connaissances et s’était envolé vers de plus hautes sphères,

— Je viens à vous dans un intérêt de vie ou de mort, George, dit Valentin. Ce n’est pas le moment d’expliquer pourquoi je ne suis pas venu vous voir antérieurement. La dernière fois que nous nous sommes trouvés ensemble, vous m’avez conseillé de me méfier de votre frère Philippe ; ce n’était ni la première, ni la seconde, ni la troisième fois que vous me donniez ce conseil. Voulez-vous maintenant me parler en honnête homme et me dire ce que signifiait cet avertissement ? Pour l’amour du ciel, parlez franchement, cette fois.

— Je ne puis pas m’expliquer plus clairement que je l’ai fait une cinquantaine de fois environ. Je vous ai dit de vous tenir en garde contre mon frère, et je voulais que cet avertissement fût pleinement compris. S’il vous avait plu de tenir compte de mes conseils, vous auriez placé la fortune de Charlotte et Charlotte hors de la puissance de mon frère par un mariage immédiat. Cela ne vous a pas plu ; c’était cependant la seule chose qu’il y eût à faire. J’ai beaucoup perdu à votre insurmontable entêtement, et je vous le répète avant que vous en ayez fini avec Philippe, vous verrez vous-même ce que vous y avez perdu.

— Oh ! oui, si Dieu ne m’assiste ! s’écria Valentin en poussant un gémissement plaintif. Je suis au moment