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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

les portes s’ouvrirent et se fermèrent sans que la voyageuse revînt au logis.

Le petit garçon, le charmant petit enfant qui semblait avoir hérité de toute la noblesse native de son père, ne cessait de demander sa mère.

Le père souffrait, souffrait horriblement.

Que lui était-il arrivé ?

La pensée qu’elle eût pu abandonner lui et son enfant ne lui vint même pas à l’esprit : cette goutte de poison n’entra heureusement pas dans sa coupe.

L’amertume de la mort eût été douce en comparaison de la morsure cruelle d’une semblable supposition.

Elle ne revenait pas.

Quelque événement fatal avait dû fondre sur elle… la mort peut-être, car si elle vivait encore, si elle avait encore la raison, elle aurait écrit, fait un signe !

Le malade attendit une semaine encore après le jour où il avait commencé à espérer.

À la fin de cette affreuse semaine, il se leva, pouvant à peine se soutenir, et sortit pour s’informer, chercher par la ville de Rouen celle que l’instinct de son cœur lui disait en être bien loin, aussi loin que la mort l’est de la vie.

Il alla à la cour des messageries et attendit là longtemps, au milieu du tapage que faisaient les diligences qui entraient, sortaient.

Il était comme fou.

Les voyageurs allaient et venaient, le bousculaient, quelquefois l’injuriaient.

La nuit venue, il retourna à sa mansarde : tout y était tranquille ; le petit garçon dormait côte à côte avec les enfants du voisin.

Gustave alluma sa chandelle, le dernier bout qui lui restait.