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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« Gustave ! s’écria la mère soudainement alarmée, tu pâlis… es-tu malade ?… Regarde donc, François, ton fils est malade.

— Non, mère, je ne suis pas malade, » répliqua gravement le jeune homme.

Il embrassa sa mère et l’écarta doucement de lui.

Pendant toutes les années qu’elle vécut encore, elle se rappela ce baiser, glacé comme la tombe, car c’était le baiser d’adieu de son fils.

« Je voudrais vous dire quelques mots en particulier, mon père, » dit Gustave.

Le père fut surpris, mais ne fut pas alarmé de cette demande ; il lui montra le chemin de son repaire habituel, une étroite et sombre chambre dans laquelle étaient quelques éditions poudreuses de classiques français, et où le maître de Beaubocage tenait ses livres de comptes, serrait ses graines de jardin et ses médecines pour les chevaux.

Lorsqu’ils furent partis, la mère et la fille s’assirent pour les attendre auprès des fenêtres ouvertes.

Au dehors, tout était tranquille… des points lumineux éloignés s’apercevaient à travers le crépuscule du soir… C’étaient les fenêtres éclairées de Cotenoir.

« Comme Madelon sera contente !… » disait Cydalise en regardant ces fenêtres.

Elle était réellement parvenue à se persuader que Mlle Frehlter était une très-estimable jeune personne, elle eût seulement voulu trouver plus d’enthousiasme, plus d’entrain, plus de vivacité dans sa future belle-sœur.

L’entrevue entre le père et le fils parut longue à Mme Lenoble et à Cydalise : les deux femmes étaient curieuses ; même, en vérité, quelque peu inquiètes.