Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

rables de la baleine qu’aux incomparables qualités de Madelon. »

Sa petite malle fut enfin fermée, et il partit pour Beaubocage après un douloureux et tendre adieu à sa femme.

Le voyage était long à accomplir à cette époque où aucun train de grande vitesse n’avait encore franchi les sinuosités de la Seine pour parcourir sur des voies ferrées les riches et fertiles vallées de la Normandie.

Gustave eut amplement le temps de réfléchir pendant qu’il était cahoté dans une pesante diligence ; et son cœur s’appesantit de plus en plus à mesure que le lourd véhicule se rapprochait de la ville de Vire, de laquelle il aurait à se rendre à la résidence paternelle, comme il le pourrait.

Il se rendit à pied à Beaubocage, escorté par un jeune paysan qui portait son bagage.

Le pays était un des plus charmants dans cette tranquille soirée d’été, mais la conscience de sa culpabilité oppressait le cœur et tourmentait l’esprit de Gustave, et son courage ne fut nullement réconforté par la fatigue de la marche.

Des lumières dans les chambres du rez-de-chaussée éclairaient faiblement le petit jardin de Beaubocage.

Une seule lueur vacillante brillait dans une petite tourelle où se trouvait la chambre de sa sœur.

La pensée du bon accueil qui l’attendait lui serra le cœur : comment devrait-il s’exprimer pour leur dire la vérité ?

Et alors il pensa à la gentille, attentionnée petite femme qu’il avait laissée dans son logement à Paris, si reconnaissante pour son dévouement, si tendre et si soumise, à la femme qu’il avait ravie à la mort et à la