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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

cette époque-là… si brillante et si courte. Je ne puis vous dire à quel point j’aimais Kingdon. Quand je me reporte à cette époque de ma vie, elle me semble un tableau placé sur un fond obscur, éclairé sur son premier plan par une éclatante lumière. Il fut convenu entre M. Kingdon et ma sœur que le mariage aurait lieu dès que ses dettes auraient été payées par son frère, Lord Durnsville. Le payement de ces dettes était une ancienne promesse de Lord Durnsville, et un imprudent mariage de la part de son frère aurait pu en suspendre l’accomplissement. C’est là ce que dit M. Kingdon à ma sœur Charlotte. Elle lui demanda de confier cela à son mari, mon beau-frère ; mais il refusa. Puis, il arriva qu’un jour, très-peu de temps après, James Halliday, mon beau-frère, apprit les visites de M. Kingdon à la ferme. Il revint à la maison, où il trouva ce gentleman avec nous, alors éclata entre eux une scène terrible. James défendit à M. Kingdon de jamais remettre le pied dans sa maison. Il gronda ma sœur et me dit de me tenir sur mes gardes. Tout cela fut inutile. J’aimais M. Kingdon, comme vous dites que vous m’aimez… follement, aveuglément. Je ne pouvais me défier ou douter de lui. Lorsqu’il me parla de ses intentions pour notre mariage, qui étaient de le tenir secret jusqu’à ce que Lord Durnsville eût payé ses dettes, je consentis à quitter avec lui la ferme de Newhall, pour aller nous marier à Londres. S’il m’avait demandé ma vie, je la lui aurais donnée. Et comment aurais-je pu me défier de ses promesses, moi, qui avais toujours vécu au milieu de gens qui étaient la loyauté même ? Il savait que j’avais des amies à Londres, et il fut convenu entre nous que le mariage aurait lieu dans la maison de l’une d’elles, qui avait été ma com-