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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

La plupart des vieilles pensionnaires de la maison Magnotte étaient allées prendre l’air au dehors.

Le vaste salon était presque vide ; il ne s’y trouvait avec Mme Meynell et Gustave, que Mme Magnotte et la petite maîtresse de musique ; celle-ci, assise à son piano, semblait une pauvre Sainte Cécile, entourée qu’elle était comme d’une auréole par les teintes empourprées du soleil couchant.

Mme Meynell, assise à côté du piano, écoutait la musique.

Gustave se tenait près d’elle, faisant semblant de parcourir un journal.

Mlle Servin, la maîtresse de musique, avait, pour ce soir-là, mis de côté ses auteurs favoris ; paraissant être dans une disposition rêveuse et sentimentale, elle jouait des ballades, des choses langoureuses.

« Vous aimez cette mélodie de Grétry ? dit-elle à Lenoble au moment où il venait s’asseoir auprès de son piano. Vous n’êtes pas, je crois, très-amateur de sonates classiques… des grands ouvrages de Gluck, de Bach, ou de Beethoven ?

— Non, répliqua franchement le jeune homme, je ne me soucie pas beaucoup de ce que je ne comprends pas J’aime la musique qui parle au cœur.

— Et vous aussi, madame Meynell, vous aimez les mélodies simples ? demanda la demoiselle à la dame anglaise qui n’avait pas l’habitude de s’approcher, aussi près dû piano et d’écouter avec autant d’attention Mlle Servin.

— Oh ! oui, murmura l’Anglaise, voilà la musique que j’aime.

— Et vous croyez que Beethoven n’a jamais composé de mélodie simple… qu’il n’a jamais écrit que des sonates,