Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/290

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
286
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

et il me traite avec des témoignages d’affection et de politesse auxquels il ne m’a pas habituée.

« Comme de juste, je connais la cause de ce changement ; la future maîtresse de Cotenoir est une personne toute différente de la misérable fille qui n’était qu’une charge et un embarras ; mais, tout en lui refusant mon estime, je ne puis lui refuser ma pitié.

« On pardonne tout à la vieillesse, c’est une seconde enfance, et mon père est très-vieux, Charlotte.

« Je vois les traces de l’âge sur son visage beaucoup plus clairement à Cotenoir, où il prend ses manières agréables d’homme du monde, qu’à Londres quand il acceptait son état de malade. Il a bien changé depuis le temps où j’étais avec lui à Spa. Il semble avoir soutenu sa lutte avec le temps très-longtemps, mais maintenant son bras n’a plus assez de force pour repousser l’ennemi commun. Il conserve toujours sa tenue militaire, il se tient encore plus droit que beaucoup d’hommes qui n’ont que la moitié de son âge, mais en dépit de tout cela, je puis voir, qu’il est très-faible, qu’il est usé et fatigué par une longue vie de lutte.

« Je suis heureuse de penser qu’il trouvera enfin un port et si je ne puis remercier Gustave avec toute l’expansion de mon cœur de me donner un chez moi et un rang dans le monde, je pourrai toujours le remercier de donner un asile à mon père.

« Et maintenant, ma chérie, comme j’espère être bientôt auprès de vous, je n’ajouterai rien.

« Je dois passer un jour à Rouen avant de revenir, avec papa, bien entendu ; Gustave reste en Normandie, pour présider à quelques arrangements avant de revenir en Angleterre.