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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

« J’ai un véritable amour pour votre chère Mlle Lenoble ; j’aime presque autant que vous votre magnanime, votre chevaleresque, votre généreux M. Lenoble.

« À propos, comment osez-vous l’appeler M. Lenoble ? j’ai compté les fois où vous parlez de lui, dans votre bonne et longue lettre, et pour un Gustave, il y a une demi-douzaine de M. Lenoble. Il doit être Gustave pour moi, à l’avenir, rappelez-vous-le.

« Que vous dirai-je, ma chérie ? je n’ai rien à vous raconter, absolument rien. Dire que je voudrais que vous fussiez auprès de moi, c’est tout simplement avouer que je suis très-égoïste, mais j’aspire après vous, ma chérie, mon amie, ma sœur adoptive, mon ancienne compagne de pension, à laquelle je ne crois pas avoir jamais caché, volontairement, une seule de mes pensées.

« Valentin est venu mardi dans l’après-midi ; mais je n’ai rien à vous dire même sur lui. Maman sommeillait dans un coin après avoir pris une tasse de thé et Valentin et moi nous étions auprès du feu, causant de notre avenir, juste comme vous et M. Lenoble sur le bateau à vapeur.

« Comme les personnes fiancées l’une à l’autre aiment à parler de l’avenir ! Est-ce notre amour qui nous fait paraître tout si brillant, si différent de ce que tout a été antérieurement ?

« Je ne puis me figurer l’existence avec Valentin autrement qu’heureuse. J’essaie d’imaginer des épreuves. Je me figure être en prison avec lui, le vent soufflant à travers des vitres brisées, la pluie passant à travers un toit effondré et venant tomber sur le plancher sans tapis ; mais le plus affreux tableau que je