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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

crée exclusivement à son usage. Les trois jeunes servantes et le petit groom qui composaient la maison de Sheldon, préféraient la liberté de la cuisine à la froide étiquette de la chambre de la gouvernante.

Cette pièce, comme toutes les autres dans la maison de l’agent de change, respirait la prospérité.

Il y avait un bon fauteuil qui s’offrait pour reposer les membres fatigués de Mme Woolper ; un feu vif brillait dans la petite grille et se reflétait sur un brillant garde-feu ; des gravures de sainteté ornaient les murs et une petite table ronde, recouverte d’un tapis, servait à poser le panier à ouvrage, et la Bible de famille, que Mme Woolper se faisait un point d’honneur de porter partout avec elle et de garder religieusement, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune. Du reste, elle ne la lisait presque jamais. Elle se sentait plus près de la grâce avec sa Bible de famille à côté d’elle. Il lui semblait que de traîner partout cette Bible constituait en soi-même une sorte de religion. Mais elle ne se croyait pas du tout obligée de la lire. Ses yeux étaient vieux, affaiblis, quelque vifs qu’ils fussent à découvrir les négligences des jeunes servantes, mais trop faibles pour de longues lectures.

Quand son regard se portait sur les objets, sur les murs de sa petite chambre le soir, après les travaux de la journée ; quand sa théière en métal anglais était posée sur le garde-feu et que ses rôties grillaient, elle était émue de reconnaissance en pensant à l’homme à qui elle devait tout ce bien-être.

« Que serais-je devenue sans lui ? » se demandait-elle en frissonnant.

La sombre demeure entourée de hautes murailles qu’on nomme le workhouse métropolitain se dressait