Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
212
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

Diana obéit.

Elle trouva de l’eau de Cologne et des éponges de la plus fine qualité sur le lavabo de son père, et sur la table de toilette des brosses montées en ivoire, un peu jauni par le temps, mais sur le dos desquelles étaient gravés une couronne et un chiffre.

L’hôpital ne paraissait pas aussi rapproché de lui qu’il avait plu au capitaine de le dire ; mais avec les natures exaltées il n’y a qu’un pas du désappointement au désespoir.

« Que devrai-je dire à Mme Sheldon, papa ? demanda Diana pendant qu’elle versait le thé à son père.

— Eh bien ! je pense que vous ferez mieux de ne lui parler de rien, il suffira de lui dire que je suis un peu mieux dans mes affaires et que ma santé affaiblie réclame vos soins.

— Je hais les mystères, papa.

— Moi aussi, ma chérie ; mais des demi-confidences sont plus désagréables que le silence. »

Diana se soumit : elle se réservait secrètement le droit de dire à Charlotte tout ce qu’il lui plairait. Elle ne pouvait se résoudre à rien cacher à cette sœur d’adoption,

« Si M. Lenoble réitère son offre et que je l’accepte, je lui dirai tout, pensa-t-elle. Cette chère fille sera heureuse de savoir qu’elle n’est pas seule à m’aimer. »

Et alors elle pensa à l’étrange caprice du sort qui donnait pour amoureux à Charlotte, avec son opulent beau-père et son entourage, un simple soldat de fortune encore à ses débuts, tandis qu’à elle, la fille d’un aventurier, il envoyait un riche prétendant.

« Est-ce elle qui pourra être dans la gêne pendant que moi je serai dans l’abondance ? pensa-t-elle. Ah !