Page:Braddon - L’Héritage de Charlotte, 1875, tome I.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

lique ? Ne vous effrayez pas ; le médecin lui a permis de sortir, sans quoi je ne l’y aurais pas poussé. Je puis être un hypocrite, mais pas un assassin. Vous n’imaginez pas combien il m’a fallu de diplomatie et tout cela dans quel but ?… Vous l’imaginez-vous ?

— Non, en vérité.

— Afin de pouvoir causer une demi-heure avec vous sans être interrompu. Malheureusement, vous arrivez si tard que, d’un moment à l’autre, je m’attends à voir rentrer votre père. Il devait être de retour avant la nuit, et l’apparition de l’allumeur de réverbères indique que la nuit est venue. J’ai tant de choses à vous dire et si peu de temps pour le faire… tant de choses, Diana… »

Elle fit un mouvement de surprise en l’entendant l’appeler de ce nom, comme si elle eût voulu se lever de sa chaise.

Elle pressentait ce qui allait suivre et ne s’étant nullement attendue à rien d’aussi terrible, elle ne savait comment prévenir un aveu qu’elle eût presque voulu éviter.

Lenoble posa la main Sur son bras pour l’obliger à rester assise.

« Tant de choses, Diana, et cependant si peu que tout peut être dit en trois mots : Je vous aime !

— Monsieur Lenoble !

— Ah ! vous êtes surprise, vous vous étonnez, vous me regardez avec vos deux yeux stupéfaits ! Cher ange, croyez-vous qu’il soit possible de vous voir sans vous aimer ? Vous voir une fois, mais c’est assez pour inspirer le respect, l’admiration, pour que l’on rende hommage à votre bonté ; mais vous voir comme je vous ai vue prendre soin d’un père malade, l’entourer de délicate sollicitude ! Ah ! mon cher amour, dites ; qui dans