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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

— Vous craignez d’être en retard ; vous vous inquiétez pour vos amis de Baywater, vous vous inquiétez même pour le cheval. Vous êtes la charité même. Ne Vous inquiéterez-vous pas un peu aussi pour moi ?

— Mais comment ?

— En me procurant l’occasion de vous revoir avant que je retourne en Normandie. Je sais que votre père aime à vous voir deux fois par semaine. C’est aujourd’hui lundi ; pourriez-vous venir le voir jeudi ?

— S’il le désire.

— Certainement il le désire… il le désire vivement. Vous viendrez, n’est-ce pas ?

— Si Mme Sheldon et Charlotte veulent bien se passer de moi.

— Il ne se peut pas qu’elles veuillent se passer de vous. Personne ne peut vouloir se passer de vous. Cela n’est pas dans les choses possibles ; mais elles auront pitié de… votre père et elles vous laisseront venir.

— Je vous en prie, dites au cocher de partir. Vraiment, je suis très en retard. Bonsoir, monsieur Lenoble.

— Bonsoir. »

Il lui prit la main qu’il baisa avec la grâce d’un Bayard : il l’aimait et il ne cherchait pas à le dissimuler.

Aucune ombre de doute n’obscurcissait le brillant horizon qu’envisageait alors Lenoble : il était plein d’espoir.

Il aimait cette fille sans fortune et sans mère ; il aimait la pauvre, l’orpheline, l’abandonnée, comme les Lenoble avaient coutume.

Il l’aimait, et elle l’aimerait à son tour.

Pourquoi en eût-il douté ?

Il avait dix ans de plus qu’elle ; mais cela ne faisait