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L’HÉRITAGE DE CHARLOTTE

être noble, méritante, car il est des pauvretés saintes qui n’ont pas besoin de vœux et peuvent se rencontrer ailleurs que dans les cloîtres.

« Pauvre fille ! pensa Lenoble ; il faut qu’elle compte pour prendre la voiture ici ou là. C’est triste. Et dire que je n’oserai pas payer le cocher. »

C’est ainsi que se traduisit pour Gustave la légère rougeur qui envahit un moment les joues de Diana.

Le père de celle-ci l’interpréta autrement.

« La minaudière a vu mes cartes et joue dans mon jeu, pensa-t-il. À son air de sainte-nitouche je ne l’aurais jamais crue capable d’une manœuvre aussi réussie pour se procurer un tête-à-tête de dix minutes avec un adorateur. »

Il souhaita le bonsoir à sa fille avec plus d’effusion qu’à son ordinaire : il commençait à penser qu’elle pourrait, après tout, se montrer digne de lui.

Le quartier qui forme la limite de Pimlico à son point de jonction avec Belgrave, est, à la brune, le plus solitaire qui se puisse rencontrer.

Dans cet endroit désert, aux maisons noircies par la fumée, Diana et son compagnon étaient aussi bien protégés contre les importuns qu’ils auraient pu l’être dans une forêt vierge.

La tâche de Diana n’était pas facile : de quelque manière qu’elle pût formuler son avertissement, il en rejaillirait nécessairement sur son père quelque chose de défavorable pour lui.

Il avait été très-bon en ces derniers temps ; elle le sentait vivement en ce moment, et ce qu’elle allait faire lui apparaissait comme une sorte de parricide.

Ce n’était pas contre la vie de son père qu’elle allait lever une cruelle main ; mais ses paroles, plus cruelles