Ces inquiétudes et ces craintes accrues par la réflexion entrèrent de plus en plus dans l’esprit de Mlle Paget à chacune de ses visites chez son père.
Elle voyait le confiant abandon du Français, les manières engageantes, l’air de don-quichottisme de son père ; son entrain, sa bonne humeur, lui causaient un intolérable effroi.
Hélas ! quand avait-elle vu son père de bonne humeur si ce n’est lorsqu’il était en voie de faire quelque mauvaise action ?
Mlle Paget supporta ce malaise aussi longtemps qu’elle put.
Enfin, elle se décida à prévenir la victime supposée ; elle combina un mode d’avertissement, un moyen diplomatique qui fût de nature à jeter le moins possible de discrédit sur son père, et, sa résolution une fois prise, elle ne tarda pas à la mettre à exécution.
Lors de sa visite suivante, au moment où son père allait envoyer chercher une voiture pour la conduire à Bayswater, elle lui dit :
« Il y a une station de voitures dans Sloane Square, papa, et si M. Lenoble veut avoir l’obligeance de me conduire jusque-là, je… je prendrai une voiture sur la place. Les cochers demandent plus cher lorsqu’on les fait venir, je crois. »
Elle n’avait pu trouver, pour être seule avec Gustave, rien de meilleur que ce piteux prétexte.
Le rouge lui monta au visage en pensant combien cela pouvait paraître mesquin à celui qu’elle voulait protéger.
Heureusement Lenoble n’était pas de ces hommes qui jugent que l’économie est synonyme de bassesse ; sa tante Cydalise lui avait appris combien la pauvreté peut